Un point sur les boîtes

Chaque image commence dans une boîte, humble et imparfaite.Photographie d'art représentant une miniature en carton

Ces photographies de mondes en miniatures ne sont pas des trompe-l’œil. La matière brute du carton est partie prenante de la construction du cadre et du regard. Du papier et quelques éléments de récupération, la présence du matériau utilisé rappelle la fabrication, le bricolage, l’empreinte du geste. C’est dans cet équilibre entre l’artifice et l’évidence du matériau brut que naît un dialogue entre illusion et révélation. C’est dans ce moment fragile que je joue avec les seuils de la narration visuelle.

Les lieux appartiennent généralement à un univers personnel inspiré de souvenirs simples et identifiables : une porte cochère ou « La galerie restera fermée jusqu’à la Saint Glinglin », une rue en Inde (Khushi Gali), un torréfacteur portugais, un bar de nuit des années 80 (La nuit ), un accès à la plage… Quelques photographies sont plus cinématographiques ou littéraires, comme la montgolfière, O escritório de Bernardo ou Cœurs de parisiennes tout droit sorti des années 50.

Certes, le spectateur s’amuse à identifier les objets, à apprécier les détails de ces mondes en minatures… Cependant, l’éclairage est un outil essentiel pour accentuer la profondeur et suggérer des récits. Il évoque le goût de l’artifice poétique de Fellini ou la théâtralité d’un Jeff Wall qui aurait encore 8 ans. Les ombres transforment ces maquettes modestes en espaces où la lumière découpe, révèle, raconte.

J’ai commencé ce travail en 2018, dans une situation insolite qui m’a permis de consacrer un mois entier à « remplir » un carton. Ce travail de fourmi, de Romain et de moine donna naissance à l’affiche du Petit Événement Bucolique de la même année. Depuis, ces photographies sont des fragments d’univers, des théâtres d’ombres et de possibles. Elles tiennent sur un fil, à la frontière du dérisoire et du puissant, du jeu et du sérieux. La photographie ne cherche pas ici à sublimer, mais à rendre visible ce dialogue entre la précarité du matériau et la force des images qu’il engendre.